
Après une série de films sur les rapports hommes-femmes, Stéphane Brizé déplace de plusieurs crans le centre de gravité de son cinéma : la naissance des sentiments est ici remplacée par la gestion des ressources humaines, la passion amoureuse par la crise financière (…) Il a rassemblé autour de l’imposant Vincent Lindon une cohorte d’acteurs amateurs, qui tiennent pour l’essentiel leur propre rôle. Le résultat est à la fois saisissant de réalisme et stupéfiant de maîtrise (…) Il s’accroche à la silhouette trapue et abattue de l’acteur qui occupe l’écran avec ce mélange de proximité, d’humilité et de puissance animale sans équivalent en France. Sous l’oeil bienveillant du réalisateur, Vincent Lindon épure son jeu à l’extrême, se fond dans la masse jusqu’à s’effacer… Ultraprésent mais jamais envahissant, il est souvent filmé de trois-quarts, en retrait de l’action comme dans les humiliantes scènes d’interrogatoire notamment où son personnage écoute les pauvres anonymes pris en flagrant délit de vol dans le magasin où il travaille. Cette “disparition” de l’acteur constitue l’autre attraction d’un projet singulier à l’évidente portée universelle. Christophe Narbonne