
On m’a beaucoup demandé si je pensais ressembler à la Kay de Trois Chambres à Manhattan. Une femme désabusée, qui aime les hauts tabourets et la pénombre des bars new-yorkais, qui fume, qui a vécu. C’est une femme avec un passé, des hantises, qui boit un peu et se donne à un homme, au hasard, parce qu’il incarne lui-même son désespoir de dépaysée. Ce personnage m’a paru très bien coller avec moi, en lisant le roman de Simenon comme en tournant le film de Carné (…). Et pourtant non, je ne suis pas Kay. Je possède un terrible moteur d’énergie ; ça doit se voir dans mes méplats, sur mon front, s’entendre dans ma voix. J’ai une volonté indépendante de toute catastrophe, qui m’habite en profondeur. Je suis celle qui, si elle voyait son jardin ravagé par une bombe, dirait : Tout de même, la vieille table peinte en vert reste debout, c’est parfait ! — Annie Girardot, Cinémonde,1965.