
Œuvre singulière par son cadre (Berlin sous le nazisme) et par la manière d’envisager une époque : en 1957, le sujet est encore sinon tabou, du moins déformé au point de considérer la plupart des Allemands comme des « résistants passifs ». Siodmak ne remet pas en cause la vision « officielle », ce qui peut être gênant en tant que documentaire, mais se révèle particulièrement jouissif en tant que fiction ; c’est en effet un Etat en plein délitement que montre le scénario. Délitement physique avec les plafonds qui menacent de s’effondrer, les alertes à la bombe, mais aussi contestation de l’intérieur : c’est le juge qui parle du droit qui n’existe plus ; ce sont aussi, plus subtilement, des notations ironiques parsemées tout au long de la narration. Plus amusantes que crédibles, elles montrent un regard désabusé du peuple, qui fait écho à tout un état-major ou presque, qui boit, fait la fête ou songe à fuir. Au fond, ce que Siodmak enregistre, c’est la fin d’un monde qui prend conscience de son échec : l’apparat est encore présent, avec les récompenses distribuées au début ou les locaux monumentaux, mais il s’effondre et garde pour l’essentiel les signes plutôt que l’efficience. — François Bonini