
Les Crevettes alterne habilement entre gros traits et subtilité, notamment dans la manière dont chaque acteur (tous assez drôles et sympathiques) prend en charge un personnage-type : de l’ancien militant Act Up revenu de tout, au transgenre au look extravagant, en passant par le jeunot timide qui découvre son orientation ou par l’homosexuel rangé et père de famille. [Le film] produira des effets contrastés sur les spectateurs : soit un effet cathartique consubstantiel à la comédie populaire, soit l’indignation si l’on attend du film une représentation mesurée et exhaustive de la minorité qu’il filme – mais n’est-ce pas trop lui demander ? Si Les Crevettes joue malicieusement avec le feu et le sait (c’est la condition du rire), il ne se revendique en rien d’un quelconque réalisme mais d’une évidente outrance comique qui s’amuse des clichés que ce soit pour les valider ou les dynamiter. Notons que contrairement au scénario-type de beaucoup d’autres comédies, aucun des personnages ne se trouve subitement racheté par un rassurant retour à la « norme ». Le film opte plutôt pour un éloge convenu et bon enfant de la différence. On trouvera d’ailleurs des relents d’homophobie ordinaire dans bien d’autres films populaires qui n’abordent pas frontalement le sujet. Sur ce point, Les Crevettes pailletées se veut assez inoffensif et a pour mérite, et argument marketing, de renouveler un peu le décor de la comédie académique. — Murielle Joudet