
— Votre pays retient beaucoup l’attention. J’ai lu qu’il détient le record du monde d’homicides par tête d’habitant.
— Non, colonel. Vous vous trompez.
— Pas du tout. Il paraît qu’on tue pour un oui, pour un non, gratuitement. Il y a au moins trente morts par jour.
— Non, colonel. Je crois que vous cherchez à m’offenser.
— Pas le moins du monde. Je dis ce que je sais.
— Vous me permettrez de mettre en doute votre parole.
— Non. Je le répète, je sais ce que je dis.
— Si je n’étais votre invité, je vous en demanderais raison.
— …
— …
— J’ignorais que cet usage chevaleresque était en vigueur dans votre contrée à demi sauvage.
Le Charme discret de la bourgeoisie, c’est un chapelet de cauchemars que Buñuel s’amuse diaboliquement à nous faire prendre d’abord pour le réel, et qu’il dénonce après coup (une fois l’effet porté) comme rêve, d’une chiquenaude qui augmente éparpillement et déconfiture générale […]. Luis Buñuel, ce vieux diable, serait-il miraculé ? Il rajeunit de film en film. Hardiesse, irrespect, désinvolture, humour noir, liberté de la construction : Le Charme discret de la bourgeoisie témoigne d’une jubilation pétulante. A nos tâcherons de la gangstéromanie pelliculaire, à nos petits-bourgeois rétrécis du cinéma d’alcôve à répétition, je ne peux, bonne pomme, que glisser ce conseil charitable : allez prendre une leçon du côté du bon vieux lion. — Jean-Louis Bory, 1972.