
Une cité de Bagnolet dans les années quatre-vingts, béton massif et friches maussades, un collège foutraque, une jeunesse qui perpétue la violence, mais aussi des intermèdes poétiques à interpréter, de l’humour et une certaine bienveillance malgré le tragique qui l’emportera forcément. L’ensemble est bizarre, volontairement ouvert à diverses interprétations tout en ne masquant pas l’impasse sociale.
Le film ne se veut pas un documentaire sur la banlieue, mais quelque chose d’autre, une sorte de fiction dans laquelle je mélange un certain nombre de genres, dans laquelle la violence a une part, c’est vrai, mais il n’y a pas que que ça — il y a en particulier la tendresse de la poésie [et le] fantastique. C’est le mélange entre les deux qui m’intéressait […] Le travail sur le scénario a été considérable, mais sur la mise en scène aussi. C’est vrai que le film est casse-gueule en permanence. D’une part parce qu’il fallait éviter que le spectateur entre dans un film déterminé — par exemple, quand on voit une cité comme ça, on peut se dire “je vais entrer dans un film social”, “c’est encore un film social”, “c’est encore un film sur la banlieue”, “c’est encore un film sur l’école”, “c’est encore un film sur les mômes”… Je me suis débrouillé pour empêcher le spectateur d’avoir une vision toute faite. Deuxièmement, effectivement, on mélange un certain nombre de genres […] Dans mon esprit, ce n’est pas [un film désespéré mais] désillusionné. Il y a effectivement une sorte de regard lucide sur les choses […] C’est certainement pas en s’aveuglant ou en se racontant des histoires qu’une porte de sortie pourra être trouvée. Et c’est encore moins en fermant les yeux, en jouant la politique de l’autruche. Ceci dit, mon but était quand même d’émouvoir les gens. Avant tout. — Jean-Claude Brisseau, 1988.