Le réalisateur qui est au centre du film de William Karel est le jumeau identique de Jean, l’homme blessé et blessant qu’incarne Jean Yanne dans Nous ne vieillirons pas ensemble. Quand c’était son tour de passer devant les caméras, pour parler sur les plateaux de télévision des films où il se montrait sous les traits de Jean Yanne, Philippe Léotard (La Gueule ouverte), Guy Marchand (Loulou) ou Gérard Depardieu (Le Garçu), Maurice Pialat poursuivait cette entreprise de mise à nu, se dénigrant avec la même énergie qu’il avait mise à rabaisser ses acteurs pendant le tournage (…) Karel a demandé à Sandrine Bonnaire, l’élue, ou à Sophie Marceau, la réprouvée, brutalisée et harcelée par Pialat et Depardieu pendant le tournage de Police (1985), de se souvenir de cet homme qui a tout fait pour se confondre avec son œuvre. Accompagnées de documents anciens, comme ce film d’entreprise tourné pour Olivetti (ou travailla Pialat de 1954 à 1957) sur le modèle d’un court-métrage burlesque, ces paroles apaisées et lucides ouvrent une fenêtre sur le processus créatif d’un artiste qui semble n’avoir trouvé d’inspiration que dans la douleur, qu’elle soit de venir au monde (son premier film, L’Enfance nue [1968] montre brutalement le mal de vivre d’un enfant placé), d’aimer (Nous ne vieillirons pas ensemble, Loulou) ou de créer (Van Gogh). — Thomas Sotinel

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