
Ce que le cinéaste italien maîtrise jusqu’au bout, c’est une manière de créer un décor à la fois ultraréaliste et purement chimérique. De ce bâtiment perdu au milieu de nulle part, sorte de baleine échouée que n’aurait pas reniée Collodi, oublié comme ses habitants dans un no man’s land qui sent la putréfaction et l’abandon mortifère, Matteo Garrone fait un personnage à part entière. Une nuit rasante, quelques éclairages disséminés, et voilà cette masse de béton transformée en monstre surréaliste, allégorie de la destruction du social transalpin, créature réclamant son tribut de sang et déchiquetant impitoyablement ses victimes. — Xavier Leherpeur