
La vie de Sibyl se révèle fissurée de toutes parts, comme la surface du récit à force de divorces soudain de la continuité narrative et du souvenir, de l’image et du son, se trouble à force de persistances lancinantes et sensuelles, giclées de mémoire brûlée par le feu d’un amour enfui. Et le film, par sa forme de mobile constellaire, épousera cette écriture de bris réfléchissants, qui tous s’incarnent dans de beaux personnages, chargés de leurs propres ambiguïtés, mirant à l’héroïne quelque chose d’elle-même, de sa conscience atomisée, de ses doutes et douleurs, en ronde de bons diables et mauvais génies. Ainsi, dans une vaste confusion de sa vie intérieure tourmentée et de ses interactions sociales, se dissémine un éclat de Sibyl en tous ceux qui l’entourent, comme tout gosse emporte une part de ses parents, ou tout patient de son thérapeute – et peut-être inversement. Et face au film, nous sommes tous Sibyl – du moins tous ceux dont le corps ou les sens abritent la réminiscence et la morsure de quelque fantôme. — Julien Gester