Le « phénomène Série Noire », comme vous dites, découle d’un concours de circonstances. Peu après la Deuxième Guerre mondiale, la France, qui avait été grandement coupée de l’Amérique (laquelle était le centre de la culture mondiale), a découvert d’un coup le genre hard-boiled, concentré dans cette collection. On peut noter aussi que le prestige de Marcel Duhamel et de ses amis illustres (Vian, Picasso, Prévert, l’intelligentsia germanopratine), d’une part a contribué à faire apparaître la qualité historique du genre hard-boiled (qualité qui n’avait auparavant été remarquée que par des individus isolés : André Gide, et certains amateurs du genre policier) ; d’autre part a commencé la promotion culturelle du genre hard-boiled, promotion au bout de laquelle ce genre peut maintenant prendre place dans le musée imaginaire de Malraux, et dans les présentoirs des Prisunics (c’est en fait le même lieu), à égalité avec la Joconde, l’art nègre, et le pétomane. (Mais j’exagère, la passion m’égare : en vérité le pétomane n’a pas encore été promu à l’égal des autres produits que je mentionne ; mais il le sera.) — Propos recueillis par Uri Eisenzweig, Littérature no 49, février 1983.

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