
Ça ne pèse pas lourd, une béquille, une poignée en plastique, un tube en aluminium, un caoutchouc noir rond à l’extrémité pour que ça ne glisse pas sur le sol, quelques centaines de grammes seulement. Mon père se déplaçait avec ça, ancien soldat parachutiste en Indochine revenu de la guerre tuberculeux et poliomyélite – la guerre a pris fin en 1954. C’était donc avec ses béquilles qu’il quittait la loge où ma mère était concierge pour aller picoler au bistrot, pas loin de la boulangerie Poilâne, le fameux. Je l’y accompagnais. Le café-tabac a disparu, remplacé par une riche boutique de vêtements au 15 de la rue du Cherche-Midi. Le plus proche est le bar de la Croix-Rouge place de la Croix-Rouge. Une photo noir et blanc de Paul Newman en visite dans le café parade sur le mur, je regrette qu’il n’y ait pas celle de mon père qui y est allé beaucoup plus souvent.